Paul regarde le coucher de soleil comme beaucoup de soir, le ciel est rouge, empourpré. Cependant aujourd’hui la rougeur vient aussi des flammes sur la crête là où la forêt brule.
Cette crête a été depuis son enfance son horizon. Le matin par la fenêtre il voyait ce bout de nature comme un tableau accroché au mur.
Sa vie pourrait se résumer à cette forêt.
Petit, il partait à l’aventure, avec ses copains après l’école, des jeux de gamins qui inventent des odyssées dans quelques mètres carrés. Il se souvient aussi des balades avec son père, teigneux qui parlait peu, mais le fait de parcourir les sentiers en silence avec lui les unissait plus qu’un long discours.
Puis à son tour il a pris par la main son fils pour lui faire connaitre les endroits de son enfance.
Voilà en un soir de Juillet, mois de vacances à se ressourcer, en un soir ses souvenirs partent en fumée. Le feu mange petit à petit des pans de sa mémoire.
La vie est futile, elle vous tient au corps et une seconde plus tard, la mort vient vous la voler.
Paul n’en est pas mort mais ses souvenirs le sont.
Combien de fois depuis plus de cinquante ans, j’ai déploré ces saccages, à présent ils me rattrapent. Ils sont à ma porte, plus rien ne pourra les arrêter.
Nous sommes tous concernés, nos souvenirs partiront en fumée. Certains diront, « ce ne sont que des souvenirs ! », car il y aura toujours des gens pour minimiser, pour se rassurer eux-mêmes tant que ce n’est pas leur maison, leurs souvenirs qui brulent.
Peut être faut il en arriver là. Bruler ses souvenirs pour accepter une vie toute autre, une vie faite de sable et de sécheresse, de monts décharnés offrant leurs rochers au soleil, des rivières exsangues.
Surtout ne pas se rappeler cette baignade dans le fleuve, ces roulades dans la pente d’un pré, ces senteurs d’une forêt après une averse orageuse.
En fait, sans souvenir, nous nous résignerons plus facilement.
jeudi 28 juillet 2022
Les souvenirs partent en fumée!
samedi 23 avril 2022
Feu le monde!
L’avion survole la forêt, décrit un demi-cercle puis plonge vers la cime des arbres. Le nez au vent enfin il se cabre vers le ciel tout en larguant sa poudre rouge!.
Le pilote aperçoit les flammes grimpant aux arbres, mangeant toute
verdure et ne laissant que des squelettes fumants. Au bout d’un chemin
il voit un rectangle rouge avec des fourmis autour, ce sont des pompiers
à la limite de se faire encercler par ce monstre essayant, de ses
langues de feu, d’attraper tout ce qu’il y a de vivant.
John pense à la fin du monde ; enfin à la fin de son monde. Il a vécu
depuis enfant dans ce milieu paradisiaque au bord d’un lac cerné de
bois, il y pêchait, chassait avec son père. Il aurait pu y vivre en
autarcie.
Dans la première moitié du vingtième siècle, la Californie était un
paradis sur terre, créant des exodes de fermiers d’autres états (lire
Steinbeck: Les raisins de la colère), maintenant si l’enfer pouvait se
représenter cela pourrait être ce désert de cendres encore rougeoyantes
accentué par ces troncs d’arbre encore debout dessinant de leurs
branches des crucifix.
J’ai toujours été sensible à la préservation de la nature et voir ces images en boucle m’horripile.
Les premiers tracteurs dans la ferme dégageaient une fumée noire et
petit je me demandais ou allait tout ce noir, je le voyais s’étioler
dans son ascension vers le ciel mais une question me taraudait : Ou
toute cette fumée était-elle stockée? Pensant à un univers fini. Ne
voyant pas de réponse ni n'entendant pas les mêmes questions, je doutais
de mes inquiétudes et me méfiais de ma naïveté. J’ai commencé alors à
écrire des poèmes sur ces sujets.
Ce n’est qu’un peu plus tard quand je vois ce professeur farfelu arriver
sur les écrans de télé ; René Dumont prédisant des catastrophes
écologiques, mais sa dégaine de savant fou ne faisait pas peur aux
technocrates cravatés ni aux médias déjà muselés. Je ne me sentais plus
seul au moins. La machine à broyer ce genre d’homme à idée faisait son
œuvre, bien vite on a enfermé ces écolos dans un parti politique pour
mieux les récupérer. En aucun cas l’écologie ne devrait être enfermée
dans un parti elle devrait comme l’économie, la défense faire partie
d’une politique globale. Les beaux penseurs de l’époque devraient se
pencher sur les écrits de ce Dumont, lui était un scientifique, un
penseur libre et non un de ces conseillers enfermés dans leur carcan,
abreuvés par ces multinationales pétrolières (Total , Exon, Shell etc.),
chimiques ( Mosanto, Bayer). J’en veux à ces gens! Ils ont eu le
pouvoir ils n'ont rien fait.
Le problème de ces entreprises est qu’elles sont devenues impersonnelles donc irresponsables.
Puis il y a eu Seveso (1976), Bhopal (1984; 20 à 25 000 morts selon les
associations de victime en inde; le directeur de l'usine chimique, un
américain, est décédé de sa belle mort en 2014) , et Tchernobyl. Une
fin du vingtième siècle ponctuée de catastrophes humaines et le monde
continuait sa course infernale.
L’homme aurait été capable de corriger ces erreurs. Il avait la
technologie, le savoir; il aurait su palier à ces inconvénients mais
quelques semblables, au nom du profit les ont censurés. Je me souviens
d’un article dans Ouest France au début des années soixante. Un
Argentanais avait fabriqué un moteur à eau ; petit, j’étais sidéré, en
fait c’était un moteur à électrolyse ; je me demande ce qu’il est devenu
mais suis certain que cela déplaisait aux pétroliers. Combien de
découvertes ont été enterrées pour ne pas nuire aux profits de quelques
uns. Les gouvernants sont aussi responsables de n’avoir écouté que le
discours des financiers.
Ces multinationales ne paient pas d’impôt.
Maintenant on nous assène d’images et de commentaires, nous
culpabilisant d’avantage, alors que ces journalistes ou leur père se
sont moqués, il y a longtemps, de la mise en garde contre la destruction
de la planète.
Ce n’est pas fini car la machine va s’emballer, comme un programme
récursif sans contrôle. Le réchauffement fait fondre les pôles, une
aubaine pour les pétroliers ; ils vont pouvoir forer le pôle nord, leurs
bateaux pourront ouvrir des routes et les glaces fondront d’avantage. «
La boucle est bouclée » comme on dit ; ce n’est malheureusement pas une
boucle mais une spirale.
Voilà pourquoi je suis en colère; on vient chez moi me donner des
leçons, bien sûr chacun est responsable mais le but aurait été de
s’attaquer à la source pour ne pas en arriver là.
Pour cela il faut être au pouvoir.
samedi 12 mars 2022
L'eau vaut plus que l'or!
Jack ouvre la porte de sa maison. Dehors le soleil rouge commence sa journée, il va encore faire chaud. Il balaie sa ferme du regard, ne voit que de la terre rouge. Il n’y a pas si longtemps le vert dominait et les vaches commençaient leur travail de transformation de l'herbe en lait. La nostalgie n’a plus de place, aujourd’hui un commissaire priseur va venir vendre sa ferme. Les vaches, elles, sont déjà parties.
A plusieurs milliers de km, dans son bureau au
sommet du building, Anton regarde le soleil dans air satisfait. Il
surveille l’écran où les courbes évoluent en sa faveur; l’idée qu’il a
eue est géniale.
Il y a quelques années de cela, des hommes en
costard cravate sont venu voir Jack et ses voisins. Leur discours ressemblait à
ça « l’eau va devenir rare et elle est vitale pour vous. Le seul moyen de
s’en sortir est de payer cette ressource. Nous avons eu l’idée de la coter en
bourse. » Une rumeur s’élève dans l’assemblée. Le banquier continue :
« le gros avantage pour vous est que si vous avez un excèdent vous pourrez
le vendre, cela vous fera un deuxième salaire ». L’argument massue est
tombé.
Depuis
cinq ans, en Australie, l’eau est devenue
comme le pétrole un produit boursier. L’eau était peu chère au début,
mais les
sécheresses se succédant , le prix a monté. Alors les paysans n’avaient
plus assez d’eau, ils étaient obligés d’en acheter, le prix était de
plus en plus élevé ; bien sûr ils n’avaient plus d’excédent à vendre.
Petit à petit les
paysans sont partis, laissant leurs terres à de grands groupes pouvant
se
payer l’eau. Il n’y a plus de vaches mais des amandiers à perte de vue.
En Californie depuis peu, l’eau devient aussi un
produit boursier. Les investisseurs se sont dit que plus l’eau sera rare, plus
elle sera chère donc elle vaudra plus que l’or. Des spéculateurs achètent des
milliers d’hectares, non pas pour cultiver mais pour faire des profits sur le
précieux liquide. La monoculture, moins couteuse en eau, prend la place des
vergers plus gourmands. Des réunions sont organisées là aussi pour expliquer aux
petits paysans que la cotation de l’eau est bien pour eux.
Les écologistes soutiennent les financiers, ils se disent
que payer l’eau fera qu’on ne la gaspillera plus. Ils font des deals avec les investisseurs
pour garder des lacs, des zones pour l’environnement. Des sanctuaires.
Bientôt l’eau ne sera plus accessible pour tout le
monde, ceux qui ne paieront pas verront leur accès coupé. L’idée de faire de
l’eau un produit boursier suit son chemin, au fil de l’eau, dans le monde. En
Europe des lobbies commencent leur travail de sape; pour l’instant on résiste,
pour combien de temps ?
Si on se projette dans le futur, on voit que ce
système court à sa perte. L’eau sera de plus en plus chère. Si nous prenons le
cas de la Californie, qu’est ce qui pourra se payer l’eau ? Ce sont des
grosses agglomérations comme Los Angeles avec leur pourvoir d’achat et ce, au
dépend des agriculteurs qui mettront la clé sous la porte.
Je pose la question avec quels produits Los Angeles
nourrira sa population ?
Mais pour l’instant on s’en fout on fait de
l’argent.
Que peut-on espérer de ces gens assis dans leur
fauteuil regardant les courbes et analysant des tableaux Excel ? Rien. Ils
ne nourriront, ne soigneront pas la population ; ils veulent gagner de l’argent
et ne comprennent pas que tout le monde n’en fasse pas autant. On parle de
théorie du complot mais le complot il est là, ce sont tous ces gens qui veulent
amasser plus et pour ce faire sont prêts à éliminer tous ceux qui sont sur leur
chemin. Le seul espoir est qu’ils s’éliminent entre eux. Mais il sera trop tard
pour les autres.
Dans son bureau à Melbourne, Anton répond à un
journaliste : « est ce que je suis satisfait du réchauffement
climatique, des sécheresses ? Mais bien sûr ! C’est bon pour
moi ! L’important c’est faire de l’argent !».
Un jour ils boursicoteront sur la vie des gens. La
vie est-ce une valeur sûre ?
Bon moi, faut que j’arrête de regarder des docs sur
Arte, ça me fout le moral dans les chaussettes. Je regarderai des docs
animaliers maintenant genre la vie sexuelle des Orangs Outangs ; mais la
camera zoomera et on verra apparaitre un braconnier avec son fusil à lunette et…
.
Je ne voudrais pas être de ce monde.
https://www.arte.tv/fr/videos/082810-000-A/main-basse-sur-l-eau/
vendredi 11 mars 2022
Nostalgie!
Il se lève
ce matin, la tête bourdonnant des climatiseurs et épurateurs d'air qui
ronronnent sans arrêt, le retenant à cette vie précaire. Par la vitre sale, il
voit la boule de feu déjà en action asséchant encore le peu qui puisse rester
de viable. Son souvenir des nuages se dissipe de jour en jour. Il sait que
bientôt il ne pourra plus se rappeler ne serait-ce leur forme dans le ciel. Ni
la goutte d'eau qui vient s'écraser sur votre front donnant une impression de
fraîcheur. Les dernières pluies ici étaient acides, il fallait justement éviter
de les recevoir. Comment en est-on arrivé là ? Cette question lancinante lui
trotte dans la tête. Question sans aucune importance maintenant.
La couleur
verte a disparu du paysage laissant le brun et le noir s'installer; est-ce une
simple question de couleur? Forcément non mais peut-on lui enlever jusqu'à
cette notion?
L’Homme cela lui a pris comme ça, comme dans un rêve démentiel. Un
cauchemar.
D'abord il a voulu mettre son image partout, se mettre en publicité, en
actualité. Il abat les arbres, déforeste, pour en faire du papier, des
affiches. Il a commencé à cacher le paysage, comme s'il voulait ne pas voir ce
qu'il détruisait.
Puis il a construit des maisons de plus en plus grandes. Bien sûr il plantait
un arbre de temps en temps pour en garder le souvenir. Les Immeubles
grandissant ont commencé à couvrir les arbres de leur ombre, ces derniers sont
morts desséchés. Le béton a remplacé le parc naturel couvert d’herbes folles.
Il a voulu se déplacer, il invente donc des machines, il faut les nourrir ces
machines. Heureusement la terre nourricière est là avec ses réserves de
pétrole. On pille et même si quelques cargos chavirent, laissant de larges
larmes noires sur la face de la mer, on se dit que le jeu en vaut la chandelle.
La flamme il faut pouvoir la laisser allumée, comme l'homme de Cro-Magnon
voulait la préserver. Les usines et les véhicules crachent leur venin invisible
trouant notre toit protecteur. Empoisonnant notre air.
Il y a bien
des alertes, Seveso, Bhopal, Tchernobyl etc. Mais on se dit que se sont des erreurs
qui ne se reproduiront plus. Après un instant de stupeur, la frénésie reprend ;
surtout que les profiteurs n’habitent pas auprès de ces bombes en puissance.
L'Homme est donc pris d'une frénésie, non seulement il ne veut pas s'arrêter
mais il court, il casse, il tue. Bientôt les forêts disparaissent laissant
place à des langues de terre desséchées que même les fleuves ne peuvent
abreuver. Des mers s'évanouissent découvrant des carcasses de cargos, des
neiges d'antan s'évaporent vieilles de milliers d'années.
L'Homme il lui a fallu 50 ans pour assécher sa
terre nourricière. On respirait encore à l'époque mais la dioxine et les gaz
que génèrent les déchets remplacent notre gaz vital. L'Homme n'est pas à cours
d'idée il crée des masques pour pouvoir continuer sa destruction, Le masque lui
permet aussi de se cacher. Au début on s'interroge on voit des cyclistes
masqués puis on s'habitue. On entend parler de pluies acides, mais pour l’instant
ce n'est pas encore très inquiétant ce ne sont que de petites pluies.
Il ne fallait pas accepter, dès le début, car il suffit aux pollueurs de gravir
les paliers plus ou moins sensibles de la résignation. On parle du futur mais
les puissants ne vivent qu’au présent, ils prennent et ne se projettent pas
dans l’avenir, le futur même de leurs enfants.
L'eau est
devenue rare, ce sont les pays pauvres qui ont commencé à mourir. Dans les pays
riches on a pompé tout ce que l'on pouvait pomper. Les mers, les glaciers, les
nappes souterraines tout y est passé reculant de quelques années le cauchemar
que d'autres vivaient.
Des îlots, des oasis se sont créées entourées de murs et barbelés gardés par
des armées. Des millions de gens y ont péris autour ; faute d'eau ils y
ont versé leur sang. Maintenant ce sont les dirigeants, les vrais pollueurs qui
y vivent, pour combien de temps encore.
Ou est passé cette cascade sur la rivière. Elle déployait son rideau de brume
aqueuse que venait illuminer le spectre coloré du soleil. Le promeneur, armé de
patience, aurait pu y voir un écureuil s'y rafraîchir ou ce raton laveur sécher
ses poils brillants à la chaleur des rayons. Tous les sens y étaient mis en
éveil.
L'ouïe d'abord avec cette mélodie de l'eau sur les rochers, rehaussée de chants
d'oiseaux et ponctuée de bourdonnements d'abeille.
L'odorat ensuite par le bouquet de l'herbe humide agrémenté des parfums de
fleurs des prés.
Le goût après en se rafraîchissant de cette onde; croquant une fraise sauvage.
Le toucher en laissant filer entre ses doigts cette force insaisissable.
La vue bien évidemment, imaginant qu’il y a plusieurs milliers d'années de cela
quelqu'un assistait au même spectacle.
Où sont tous ces plaisirs à jamais disparus? Pendant plusieurs millénaires des
hommes ont pu y goûter. En quelques décennies tout a disparu, l’eau, l’herbe,
les fleurs, la musique plus rien de tout cela. Tout n'est plus que sable,
poussière (tu retourneras poussière !).
A l‘échelle
de l’âge de la terre, 50 ans n’est même
pas une seconde. Je regrette d’avoir vécu cette seconde.
Pourquoi se ressasser cela sans arrêt? Cela ne sert à rien, si c'était à
refaire, l'Homme recommencerait. Ce serait le jet d'un sac plastique qui
naviguerait jusqu'à la mer. Car tout a commencé comme ça un geste simple sans
conséquence qui se multiplie à l'infini, l'égoïsme nous permettant de croire
que l'on a le droit d'agir ainsi. Ce sont ces politiques soutenant les
compagnies pétrolières qui en sont responsables. Ce sont eux qui rendront des
comptes au banc de la société, au grand tribunal des amoureux de la terre, ils
seront condamnés pour crime contre la nature; crime contre nature pourra-t-on
vraiment dire.
L'homme se ressasse tout cela en songeant qu'il n'a pu rien faire. Va falloir
qu'il mette sa combinaison, son masque, ses bottes pour aller chercher de quoi
se sustenter. Il va partir pour sa quête finale. Arpenter ces rues balayées par
un vent de sable. Il se couvre entièrement, la moindre surface de peau offerte
au soleil brûlerait instantanément. Il doit chercher quelques trous ou
récipients dans cette ville contenant un liquide poisseux lui permettant de
s'abreuver. Il est conscient que si ce n'est aujourd'hui qu'il périra, ce sera
certainement demain.
Demain il y a longtemps voulait dire espoir, depuis peu ce mot, Demain, pour
lui veut dire mort.
Dans une
année lumière de là, une vie apparaîtra sur une autre planète. Les nouveaux
êtres verront la terre comme une planète inhospitalière ne pouvant accueillir
la vie.
L'histoire se serait-elle déjà répétée ?
jeudi 11 novembre 2021
Le fleuve disparu
Amadou part avec son bidon sur la tête. Le soleil se lève, il se presse avant que la chaleur fige les êtres dans leur torpeur. Il a cinq km à faire aller retour. Son souci c’est la pompe, il espère ne pas la trouver en panne.
Pendant son parcours il longe cette ferme entourée de barbelés, il ne comprend pas pourquoi il ne peut regarder. L’autre jour il s’est arrêté pour voir ce qu’il y avait derrière cette clôture électrique; une Jeep est arrivée deux minutes plus tard et des hommes armés et masqués lui ont fait signe de dégager. En levant la tête il a aperçu une caméra sur un poteau. Cela attise sa curiosité.
Derrière cette barrière si Amadou pouvait voir, il y a des champs verts plus grands que des terrains de foot. La différence c’est qu’ils sont ronds. Une armature de métal, armée de petits arroseurs tourne sans arrêt irriguant les cultures.
Amadou passe vite son chemin depuis qu’on l’a réprimandé ; il ne veut pas d’histoire et pour aller à l’école il doit faire vite. Ses pas soulèvent de petits nuages de sable, il n’a pas connu le temps ou le fleuve abreuvait cette vallée. Les alluvions nourrissaient la terre et le vert repeignait le paysage. Des bœufs y paissaient pendant la saison des pluies. Amadou ne sait pas ce qu’est un fleuve, il a bien vu une carte au tableau de la classe, ces longues stries bleues qui rejoignent la mer ; mais la couleur ne lui suffit pas pour s’imaginer que de l’eau pouvait courir sur le sable.
Derrière les barrières, les machines pompent le précieux liquide, elles vont à plusieurs km de profondeur là ou il y a des lacs d’eau douce. Ces machines sont assoiffées elles remontent inlassablement cette eau pour la propulser dans les arroseurs. Nous pourrions croire que l’eau retourne à la terre mais une grande partie s’évapore, une autre reste dans les cultures exportées vers des pays lointains et le peu restant se perd dans cette terre aride.
Arrivé au puits Amadou soupire de soulagement en entendant le ronronnement de la pompe, il remplit son bidon et le met sur sa tête. De l’eau lui tombe sur son corps le rafraichissant ; il sourit à la pensée qu’il gagnera du temps avec cette douche improvisée. Son souci justement est de ne pas perdre l’or qu’il a sur le crâne, il est vital pour la famille. Il ne sait pas que ce qu’il charrie deviendra la chose la plus précieuse au monde ces prochaines années.
Derrière les barrières, des hommes s’affairent à cueillir les cultures, les mettre dans les cageots, les charger dans des camions qui eux aussi soulèveront la poussière en passant dans le village d’Amadou. Il suffirait qu’un de ces camions apportent de l’eau à la citerne du village tous les jours pour qu’Amadou puisse assister à tous les cours. Mais voilà l’eau des profondeurs n’appartient à personne sauf à ceux qui ont les moyens.
Bientôt toute l’eau du lac souterrain sera pompée. Il ne restera qu’une poche vide sous terre, déjà au Etats unis des crevasses comme des petits canyons apparaissent car la terre s’effondre. Là bas ils ont déjà tout pompé depuis longtemps laissant derrière eux des déserts, des villes fantômes. Le Colorado, à bout de souffle, de sang dans son artère n’arrive plus à l’océan, si vous passer par là vous verrez le dernier ruisseau se perdre dans le désert.
L’eau est un circuit disent certains, peut être mais ces lacs souterrains sont là depuis toujours, le Colorado aussi et l’homme a réussit à les assécher. Les lacs et les fleuves ne se régénéreront pas.
jeudi 28 octobre 2021
Là où il y a du rêve
Naveed à 10 ans, endormi sur sa couche, il est dans
un autre monde, dans ses rêves. Sa mère le secoue : « Il est six heures !
Dépêche-toi tu vas être en retard! ». Il se frotte les yeux pour quitter cet
univers où il se sentait bien.
Naveed part au travail, il à une dure journée devant lui, dix heures de
travail, il émet un petit sourire, dix ans, dix heures. Il connait le chiffre
dix, il a été un peu à l’école, à peine deux ans mais ses parents sont pauvres
et n’ont pas de quoi nourrir leurs trois enfants. Il travaille à la tannerie,
avec plein de gosses comme lui, à journée entière il charrie les peaux, les
mettant sur sa tête. Ces peaux sont lourdes et son cou lui fait mal ; parfois
il plonge dans la piscine pour laver ce cuir encore plein de poil. Naveed
côtoie aussi les produits toxiques qui sont déversés dans la rivière.
Ici on emploi des gamins car on les paie dix fois moins cher, décidément ce
chiffre, une fixation.
Naveed ne se plaint pas, le soir il va voir son meilleur copain qui, lui, a la
chance d’aller à l’école. Ce dernier lui raconte les histoires qui sont dans
son livre.
Le vendredi, seul jour de repos. Naveed doit aller chercher de l’eau de plus en
plus loin à cause de la pollution. Le reste de la journée il peut jouer.
Le rêve de Naveed est d’avoir des chaussures de foot. Ironie du sort, ces
chaussures sont faites du cuir qu’il transporte toute la journée, pour
l’instant il joue pieds nus.
La vie suit son cours chaotique, comme la rivière qui charrie les poissons
morts.
Un jour, un homme vient les voir à leur lieu de travail, il leur dit qu’il faut
qu’ils aillent à l’école. Ça, Naveed en était conscient, mais là où une lueur
d’espoir apparait, c’est quand le type leur dit qu’il est là pour les aider. Ce
dernier s’est mis d’accord avec leur patron pour les laisser une heure par jour
aller à l’école.
Rejwan demande aux parents si Naveed pourrait seulement travailler le matin et
aller à l’école après. Les parents rechignent, le père est vieux et fatigué.
Après palabres et concessions la mère est d’accord.
Le rêve de Naveed commence à prendre forme, à l’école justement on lui montre
des chaussures de foot et on lui apprend qu’elles sont faites du cuir qu’il
travaille. Rejwan leur dit qu’il veut faire une équipe de foot. Naveed est
ravi.
Combien d’enfants travaillent dans le monde, dans les mines, les usines, les
tanneries. Certainement qu’en cherchant sur Google on peut trouver, je vous
laisse chercher car c’est mieux que de ne lire qu’un chiffre probable qui ne
veut rien dire si on ne le compare pas à d’autres. Mais la question qui tue est
combien de Rejwan tous ces enfants rencontrent-ils, ça je ne pense pas que
Google le sache. Je ne me hasarderais à en annoncer un chiffre, je pense que je
serais même trop optimiste.
Je suis allé en inde en voyage, un jour voyant un enfant tirer une charrette de
bon matin ; je me suis fait une réflexion : Quelle distance! des années
lumières nous séparent. J’ai jugé qu’il faut que certains matins, je repense à
ce garçon ne serait-ce que pour ne pas l’oublier.
Quand, petit, je me plaignais, ma mère disait qu’il y avait toujours plus
malheureux que nous. C’était une phrase facile, pas très optimiste, d’ailleurs
elle ne me consolait pas trop. Il vaut mieux tirer les gens vers le haut comme
le fait Rejwan plutôt que de leur dire regarde plus malheureux que toi.
Les hommes sont égaux nous dit l’évangile, les enfants ne le sont déjà pas dans
leurs rêves. Ils ne le seront jamais dans la réalité.
jeudi 8 avril 2021
Pour quels quintaux de plus!
Un soir m'en revenant de l'étang. Je regarde les rayons du soleil
jouer avec les feuilles des arbres. Je m’assieds dans l'herbe et écoute
les oiseaux raconter leur folle journée faite de virevoltes et de
piqués. Ces oiseaux rentrent dans leur nid sur la haie. Les fleurs
ondulent au rythme de la brise légère.
Je me dis que c'est peut-être cela le bonheur.
Pour
quelques quintaux de plus on coupe les arbres, arrache les haies. Les
oiseaux ne reviendront plus ici, ils iront gazouiller ailleurs. Pour
quelques quintaux de plus ils peuvent bien aller voir plus loin.
L'écureuil ne comprend pas pourquoi on lui a abattu sa maison c'est
devenu un expulsé. Hier encore il sautait de branche en branche pour
trouver les noix qui le nourriraient cet hiver. J’aimais cette lumière
du soir avec un soleil rouge sang, embrasant le ciel. Ces ombres qui
grandissaient et t’enveloppaient dans une pénombre annonçant le noir
inquiétant de la nuit. Le soleil ne joue plus avec les arbres, même
l'ombre a disparu.
Il n'y a pas si longtemps on disait "la nature
est plus forte, elle reprend ses droits". L'homme peut s'enorgueillir
d'avoir dompté cette nature. Il est plus fort qu'elle. Plus fort tant
que cette nature est capable de le nourrir.
Vision à court terme.
Maintenant le vent balaie la plaine, soulevant la poussière, annonçant
des tempêtes.
Ici c'est la déforestation, Là c'est la "débocagénisation".
Ici pour quelques quintaux de plus on surproduit.
Ailleurs, au loin, dans un autre monde, un enfant crie sa faim.
Dans
50 ans on demandera aux enfants qu'elle est la couleur dominante de la
région. Peu répondront le vert. Enfin! si ce n’était qu'une question de
couleur. Cinquante ans à l'échelle de la création de cette terre c'est
peu, c'est même pas une seconde.
Je regrette d'avoir vécu cette seconde.
Ces quelques quintaux de plus, je les aurais bien achetés pour garder
les arbres et les haies. Pour un bonheur de plus ce n'aurait pas été
cher payé. Je pensais que c'était le monde paysan qui m'avait donné cet
amour de la terre. Maintenant je sais que non, c'est d'ailleurs pourquoi
je suis parti.
J'aimais trop la nature.
J'aimais
la nature, mais je m’aperçus bien vite que je ne pourrais pas en vivre.
Je ne voulais pas devenir celui qui façonne la nature à ses besoins.
Déracinant les arbres, nivelant les haies afin de faciliter le passage
des machines. Arrosant de poisons cette terre pour produire plus, gagner
plus, araser plus. Je n'aurais pas été en accord avec moi-même. Mettre
un masque pour préparer les pesticides, les fongicides, les herbicides
tous ces mots en «icides» qui veulent dire tuer. On en est arrivé à
polluer les rivières à saturer les terres, à imbiber les nappes
phréatiques. Tout cela pour produire plus, pour qui?
Pas pour le tiers
monde qui crève toujours de faim.
Je suis un révolté de cette bêtise
humaine qui ne voit pas plus loin que le bout de sa vie. Elle ne voit
même pas la vie qu'elle réserve à ses enfants. Elle vit au jour le
jour, l'ambition est de gagner de l'argent, sans penser aux
conséquences.
Je sais que leurs petits
enfants pourront aller dans un musée voir ce qu'était une marre à
l'ombre de grands chênes avec des grenouilles sur des feuilles de
nénuphar. Ce vol d'une libellule se posant sur une grande herbe. Je me
souviens encore de ruisseau ou enfant on allait jouer, faisant des
barrages, inventant des bateaux avec un seul bout de bois. Déjà à cette
époque on ne parlait plus d'écrevisses dans ces ruisseaux, ils avaient
disparus. Puis on a remembré, drainé, enfoui ces ruisseaux, enterrant à
jamais mes souvenirs, mes jeux.
Pourquoi suis-je aussi impliqué par ces
ravages. Beaucoup s'en fichent, se justifient. Ils peuvent toujours
justifier, je ne les entendrais pas.
Je suis fait comme ça.
Déjà
à cette époque j'écrivais des pages sur la pollution. Ce n'était
alors juste que quelques accidents. Je savais que les Hommes vivraient
un jour avec des masques. Je pensais alors voir le pire pour croire que
ça allait changer.
La réalité dépasse toujours la fiction.
Alors! Nous polluerons ailleurs
Le fleuve charrie des mousses blanches ; un petit garçon se baigne en jouant avec la matière volatile ; plus loin un bœuf se désaltère dans...
-
Le fleuve charrie des mousses blanches ; un petit garçon se baigne en jouant avec la matière volatile ; plus loin un bœuf se désaltère dans...
-
Un soir m'en revenant de l'étang. Je regarde les rayons du soleil jouer avec les feuilles des arbres. Je m’assieds dans l...
-
L’avion survole la forêt, décrit un demi-cercle puis plonge vers la cime des arbres. Le nez au vent enfin il se cabre vers le ciel tout ...